[logiciel creation site] [creation site internet] [creation site web] [Parcours 1]
[Sjperse.org]
[L'homme]
[Œuvre]
[Critique]
[Recherche]
[Bibliographie]
[Liens]
[Nouveautés Septembre 2015]
[Actualité éditoriale 2013]
[Recherche]
[La nouvelle anabase - Abonnement]
[La nouvelle anabase à paraître]
[Loïc Céry]
[Sjperse.org]
[]
[Parcours 1]
[Parcours 1]
[Eloges]
[La Gloire des Rois]
[Anabase]
[Exil genèse]
[Communication]
[]
[Sjperse.org]
[L'homme]
[L'homme]
[Biographie]
[Biographie]
[Approches]
[Œuvre]
[Œuvre]
[Parcours]
[Parcours]
[Panorama]
[Voix]
[Critique]
[Critique]
[Hommage - TR1]
[Médias]
[Critique]
[Actualité éditoriale 2013]
[Recherche]
[Recherche]
[Recherche]
[Activités]
[Outils]
[Actualités]
[Actualités]
[Nouveautés Septembre 2015]
[Communication]
[]
[Actualité éditoriale 2013]
[Bibliographie]
[Bibliographie]
[]
[]
[]
[]
[]
[Liens]
[Liens]
[]
[Liens]
[]
[Sjperse.org]
[Parcours]
[Parcours 1]
[Parcours 2]
[Parcours 3]
[Pléiade]

La "Chanson" finale d'Anabase,

lue par Laurent Terzieff

  

À propos d'Anabase

Anabase, l'épopée de la conquête                                                       

________________________________________________________________________________________________________

Toute reproduction du contenu du site est libre de droit (sauf en cas d'utilisation commerciale, sans autorisation préalable), à condition d'en indiquer clairement la provenance : url de la page citée, indication de l'auteur du texte.

© 2014 Saint-John Perse, le poète aux masques (Sjperse.org / La nouvelle anabase). Site conçu, écrit et réalisé par Loïc Céry.

  

Saint-John Perse                     


L'homme                                   

L'œuvre                         

La critique         

La recherche

Bibliographie

Liens

  

"Ainsi Anabase réalise et représente la tension d'un homme vers la création, transpose poétiquement la naissance même de l'idée poétique et la maîtrise des poussées du songe et de l'imaginaire sous la conduite d'un poète-conquérant. On ne s'étonnera donc pas que la réflexion sur la création poétique même soit un axe de lecture essentiel du poème. De la "Chanson" liminaire à la "Chanson" finale, il s'agit là d'un motif récurrent qui tantôt évoque les délices de la création ("Bitume et roses, don du chant !"), tantôt le travail d'ascèse et de rigueur auquel s'astreint le poète, représenté notamment par le motif de l' "idée" - le mot apparaît pour la première fois dans l'oeuvre -, ou encore la défiance à l'égard du songe et la nécessité de conduire le chant sans dévier du thème : "Duc d'un peuple d'images à conduire aux Mers Mortes" (chant V). Les forces nocturnes qui fermentent dans l'âme sont régies par celui qui "vient au pouvoir des signes et des songes" (chant III) et se transforment en une oeuvre d'art parfaite, "Mathématiques suspendues aux banquises du sel !" (chant I). Cette exigence intellectuelle du poète s'inscrit en partie dans une tendance artistique de l'après-guerre dont, par exemple, le peintre André Lhote, rencontré avant guerre chez Gabriel Frizeau, et qui exposa dans les salons cubistes de 1911-1913, se faisait le chantre, refusant "le débraillé sentimental", recomandant au contraire de soumettre la toile à "l'emprise des tracés régulateurs" et à une construction soignée, tenant de concilier classicisme ou tradition et modernité".

Extrait du manuscrit

d'auteur d'Anabase, IV

Sur trois grandes saisons m’établissant avec honneur, j’augure bien du sol où j’ai fondé ma loi.

Les armes au matin sont belles et la mer. A nos chevaux livrée la terre sans amandes

nous vaut ce ciel incorruptible. Et le soleil n’est point nommé, mais sa puissance est parmi nous

et la mer au matin est comme une présomption de l’esprit.


Puissance, tu chantais sur nos routes nocturnes !… Aux ides pures du matin que savons-nous du songe, notre aînesse ?

Pour une année encore parmi vous ! Maître du grain, maître du sel, et la chose publique sur de justes balances !

Je ne hélerai point les gens d’une autre rive. Je ne tracerai point de grands

quartiers de villes sur les pentes avec le sucre des coraux. Mais j’ai dessein de vivre parmi vous.

Au seuil des tentes toute gloire ! ma force parmi vous ! et l’idée pure comme un sel tient ses assises dans le jour.

(I)

___________________________



À la moisson des orges l’homme sort. Je ne sais qui de fort a parlé sur mon toit. Et voici que ces Rois sont assis à ma porte. Et l’Ambassadeur mange à la table des Rois. (Qu’on les nourrisse de mon grain !) Le Vérificateur des poids et des mesures descend les fleuves emphatiques avec toute sorte de débris d’insectes

et de fétus de paille dans sa barbe.


Va ! nous nous étonnons de toi, Soleil ! Tu nous as dit de tels mensonges !… Fauteur de troubles, de discordes ! nourri d’insultes et d’esclandres, ô Frondeur ! fais éclater l’amande de mon œil ! Mon cœur a pépié de joie sous les magnificences de la chaux, l’oiseau chante : « ô vieillesse !… », les fleuves sont sur leurs lits comme des cris de femmes et ce monde est plus beau

qu’une peau de bélier peinte en rouge !

(III)

Le Général, philosophe et historien grec Xénophon, auteur de la première Anabase, récit de l'héroïque expédition des Dix Mille

Le pseudonyme fait son appariton en 1924, au moment de la publication d'Anabase

Anabase, VII lu par Laurent Terzieff

En ce XXe siècle commençant, nul doute qu'après les errements du dernier symbolisme, cette conciliation, justement, entre à la fois la veine énigmatique de la poésie moderne et la recherche d'une tension archaïque dans le verbe poétique (sentiment renforcé par le nombre élevé d'allusions aux civilisations anciennes) ne manqua de frapper les esprits et fit beaucoup dans la fortune de cette première réception de Saint-John Perse. Le succès du texte auprès des écrivains de l'époque, sa "nouveauté" - pour adopter une phraséologie propre aux spéculations sur la modernité - auprès du lectorat de poésie (voir le témoignage de Pierre Emmanuel, ci-dessous), vont marquer de manière décisive la réputation de ce poète qui, pourtant, débute après la publication de 1924, une longue phase de mutisme littéraire volontaire, phase qui ne sera interrompue comme on le sait que par l'exil américain et ses fruits nouveaux.

La quatrième édition de 1948 d'Anabase, accompagnée de préfaces de Eliot, Hoffmansthal, Larbaud, Ungaretti

Premier niveau de déploiement du sens : le parcours physique du narrateur conquérant, suivant les régions dans lesquelles fonder puis quitter caractérisent la dialectique d'une errance ontologique (incarnée par les motifs récurrents du cheval et du - ou des - cavalier(s)). C'est cette errance qui irrigue le second niveau de sens, qui se rapporte à l' "aventure spirituelle de l'âme" (Saint-John Perse sans masque), ce que précise ainsi Mireille Sacotte dans son Saint-John Perse :


"Un "je" parcourt le monde à la recherche de lui-même et du sens de son existence dans le monde. Les épruves et les dépouillements successifs lui permettent à force d'ascétisme d'accéder, en plein désert, à la révélation (à savoir le mouvement vital est partout et sans cesse à l'oeuvre dans le monde) et de trouver son âme de nomade, et un nouveau nom d'initié. [...] Après cette expérience, il peut retourner vers ce qu'il fuyait par peur de céder à la facilité, au sommeil, aux séductions des villes et des femmes. Où qu'il aille, plus rien n'est maléfique, et le chant X est fait d'une immense énumération de gestes et d'hommes loués chacun à leur tour comme représentant irréductible de la vie."


Constituant un troisième niveau du sens, et tout comme il en sera dans "Exil", Vents et Amers, Anabase déploie une réflexion relative à la création poétique elle-même. Dans ce domaine également, prédomine l'idée d'une maîtrise graduelle de la puissance de création, et on peut à loisir repérer au gré des dix chants et deux chansons qui composent le texte, des élements de cette conquête progressive de l'organisation du poème sur la profération originelle de la parole. Le commentaire de Saint-John Perse sans masque en fait état :


  

Saint-John Perse reprend le titre du récit par Xénophon de la retraite des Dix Mille, armée de mercenaires grecs venus épauler en 401 av. J.C. Cyrus le Jeune dans sa tentative de renverser du trône perse son frère aîné Artaxerxès II. Dans cet épisode fameux de la retraite en plein désert de Perse de ces mercenaires, de cette remontée vers la mer, il ne faut pas perdre de vue que c'est le narrateur lui-même, l'historien et philosophe Xénophon, qui mène dans le récit comme dans la réalité, en homme d'action, ce type d' "Anabase sous la conduite de ses chefs" à laquelle le jeune Leger rêvait déjà dans une lettre à Claudel de juin 1912 : "J'aimerais seulement qu'il me fût donné un jour de mener une "oeuvre" comme une Anabase sous la conduite de ses chefs". Le récit d'une expédition héroïque donc (même si le poète minore et nie même son inspiration de Xénophon), qui est aussi expédition de l'âme elle-même au sens métaphorique - c'est la double acception qui ressort de la note relative au poème, dans le volume des Oeuvres complètes : "Le titre Anabase, pour Saint-John Peerse, n'entend rien évoquer d'historique ni de géographique, et n'admet, notamment, aucune référence à l'Anabase de Xénophon. Pris dans sa double acception étymologique, il signifie à la fois "montée en selle" et "expédition vers l'intérieur"." Et à Pierre Mazars l'interrogeant pour le Figaro littéraire en 1960 : "Anabase a pour objet le poème de la solitude dans l'action. Aussi bien l'action parmi les hommes que l'action de l'esprit, envers autrui comme envers soi-même".




Polysémie d'une aventure totale


C'est donc incontestablement le motif mobile de la conquête qui permet de donner son unité à ce vaste chant de l'action et de l'intériorisation. Et c'est, de fait, ce motif qui a été retenu dans les meilleurs commentaires de l'oeuvre où, après Mireille Sacotte (Alexis Leger / Saint-John Perse), et comme il se doit souvent dans les grands poèmes de Perse (comme ce sera le cas pour Vents ou Amers), on a su distinguer la simultanéité de plusieurs "plans de signification" de ce poème au ton ardent mais relativement énigmatique.


  

Interrogé par Daniel Gelin, Pierre Emmanuel parle de sa découverte d'Anabase / Lecture du chant I par Laurent Terzieff

Le poème de la double conquête


Ce qui frappe indéniablement tout lecteur de la poésie de Perse (et ce, quoi qu'il en soit du caractère de transition que l'on peut conférer à La Gloire des Rois), c'est tout de même le changement d'allure générale, tant dans le ton résolument épique qu'au regard des dimensions du projet poétique lui-même, dans une oeuvre où, après le cycle d'Eloges, s'est opérée comme une rupture, avec ce grand poème Anabase, tant commenté et tant traduit (Eliot, Rilke, Hoffmannsthal et bien d'autres). Du reste, c'est avec la publication dans la NRF qu'apparaît en janvier 1924 le mystérieux pseudonyme de Saint-John Perse (la "Chanson" liminaire avait été publiée sans signature en avril 1922 dans la NRF et la "Chanson" finale, dans la revue Intentions en mars 1924), signifiant bien d'ailleurs qu'on est désormais de plain-pied dans l'univers poétique persien de la maturité. Les fondements de ce basculement sont à chercher certainement autant du côté de cette "crise spirituelle et philosophique" bien décrite par Colette Camelin dans Eclat des contraires (cf. Bibliographie), que dans la cristallisation d'une tendance qu'entraîne le contact avec la Chine, dont le poème est d'ailleurs empreint. Et de fait, la double acception du titre, bien précisée par Saint-John Perse lui-même, s'applique aussi à ce tournant décisif que prend l'oeuvre avec Anabase : une conquête spirituelle qui est aussi une conquête du poète sur lui-même.