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Parmi ces premières décisions de déchéance de la nationalité, il en est une dont on doit se rappeler : celle qui frappait entre autres Alexis Leger, ex-Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères, tenu pour l'un des responsables de la débâcle et depuis si longtemps honni par toute l'extrême-droite française. C'est Léon Daudet, figure de l'Action française, qui devait trouver avant-guerre le surnom de "mulâtre du Quai d'Orsay" ou de sa variante, "nègre du Quai d'Orsay" à l'endoit d'Alexis Leger, du fait de ses origines guadeloupéennes. L'insulte définitive, à l'époque. C'est en vertu de ses ascendances antillaises et d'une "duplicité" voire d'une fourberie réputées innées que Leger fut tenu par cette extrême-droite pour le fossoyeur de la politique étrangère française dans les années vingt et trente. C'est cette duplicité ontologique que cette extrême-droite avait conçue comme étant à l'œuvre dans l'attitude reprochée à Alexis Leger lors des Accords de Munich (alors même que d'autres lui porteront l'accusation de "bellicisme") : le nonchalant diplomate aux origines douteuses, plus prompt à taquiner la muse qu'aux affaires de la France, avait contribué à précipiter la France dans la guerre. Cette vieille lune devait traîner dans les pires caniveaux de la presse collaborationniste durant l'Occupation, avant d'être soigneusement remise en scène avec droit de cité et sceau universitaire dûment aposé par Jean-Baptiste Duroselle et devait encore nourrir bien plus tard tout le fatras d'une historiographie douteuse, rancie aux miasmes d'une très ancienne haine envers Alexis Leger, Saint-John Perse en littérature. On connaît aussi les déboires du même Leger aux lendemain de la guerre, tenu dans un ostracisme singulier par les milieux gaullistes. Il n'est pas question ici de dresser à nouveau ce tableau assez accablant. Mais de se concentrer sur ce moment du 1er novembre 1940, où le Journal officiel de la République française proclame bel et bien cette déchéance (voir l'intégralité du décret, en bas à gauche).


Tout symbole repose sur une communauté de représentation, que partage l'émetteur et le récepteur du message donné. - c'est aussi ce que rappelle Christiane Taubira dans sa démonstration. Nul doute que pour ceux qui rejoignaient la France libre, toute déchéance de nationalité provenant du régime de Vichy fut perçue comme une sorte d'adoubement inversé, de reconnaissance d'une dissidence fondamentale. Le diplomate de carrière que fut Leger, légitimiste en diable, dut percevoir aussi sa propre déchéance comme une marque d'infamie, surtout quand le même ne se reconnaissait pas non plus dans les menées du rebelle de Londres. Le haut commis de l'État de la Troisième République, qui devait vite se perdre dans des arguties anachroniques, pris acte de l'infamie qui le frappait et le poète quant à lui y vit à long terme une étape de l'itinéraire de son exil. Aux prises après la guerre avec les commissions d'enquête relatives à l'administration d'avant-guerre, il ne rentrera en France qu'en 1957.


Saint-John Perse avait pris acte de son "apatridie", et de son identité d'étranger sur le sol américain, pour lui qui était arrivé aux États-Unis le 14 juillet 1940 (quand le destin rencontrait le symbole). Le poète devait aussi prendre acte, au sein même de son œuvre (le recueil Exil) de cet "Alien Registration Act" voté par le Congrès américain et en vertu duquel les étrangers devaient se signaler régulièrement auprès de l'administration (il s'en souviendra dans son "Poème à l'Étrangère"). Destitué de ses fonctions de Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères par Paul Reynaud après avoir été dénoncé comme belliciste, Alexis Leger avait été mis en disponibilité, ayant refusé le poste d'ambassadeur de France à Washington. À son arrivée aux États-Unis, Leger fut privé de tout soutien, et les premiers temps de ses années américaines seront très difficiles matériellement. Pour celui qui avait été coutumier des ors de la République, la transition fut brutale. C'est la brutalité même de ce bouleversement que donnent aussi à voir les premiers poèmes qui vont constituer le recueil Exil.


Le chant VI du poème "Exil", part essentielle de ce recueil, garde trace de ce sentiment d'apatridie, de cette identité d'étranger pour celui qui, désormais sans havre, choisit orgueilleusement d' "habiter son nom" :


 


« Etranger, sur toutes grèves de ce monde, sans audience ni témoin, porte à l’oreille du Ponant une conque sans mémoire :


Hôte précaire à la lisière de nos villes, tu ne franchiras point le seuil les Lloyds, où ta parole n’a point cours et ton or est sans titre…


« J’habiterai mon nom », fut ta réponse aux questionnaires du port. Et sur les tables du changeur, tu n’as rien que de trouble à produire,


Comme ces grandes monnaies de fer exhumées par la foudre. »


Que dire de ces circonstances de la déchéance de nationalité d'Alexis Leger, sinon qu'elles furent marquées du sceau d'une précipitation de l'Histoire, au gré de laquelle un personnel politique fut banni par un régime de défaite et choisit soit de rejoindre la résistance, soit de se fondre dans l'exil ?


Nous assistons aujourd'hui à un spectacle assez inédit, celui du maniement de symboles si délicats qu'il provoquent le trouble de tous ceux qui connaissent le poids historique, sur le temps long dont parlait Braudel, des fondements de la République et de leur fragilité. Les autres, emplis de leurs certitudes, savent et sont sûrs que l'Histoire ne bégaie pas, et que la République se survivra à elle-même quelles que soient les circonstances. Ils savent aussi que les ennemis de la République ne parviendront jamais au pouvoir suprême, celui de déchoir ou de distinguer. Il savent que les démocraties sont immortelles, que règne la concorde civile pour les siècles des siècles, que l'Histoire ne connaît pas d'accident et que l'on peut à sa guise manipuler une Consitution au gré des contextes du jour. Ils savent qu'en nommant si ouvertement, si crânement, si quotidiennement dans un pays fragile une dichotomie entre les "nationaux" et les "bi-nationaux", on n'offusque personne après tout. Ils savent que tous les remparts existent, au-delà des craintes des malheureux pusillanimes. Ils savent, ne doutent jamais et fustigent Christiane Taubira, quand elle écrit : "Je ne suis sûre de rien, sauf de ne jamais trouver la paix si je m'avisais de bâillonner ma conscience".


Nous vivons, de toute évidence, une ère de grande certitude. Voté ou non, ce projet de réforme de la Constitution porte en lui-même cette certitude de ceux qui savent, et qui savent jusqu'aux symboles.


Et pourtant, si nous écoutions la conque sans mémoire...

Alexis Leger, déchu en 1940

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