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VISIONS D'UN MOTIF


Saint-John Perse et l'oiseau, l'être du "singulier destin"

  

Oiseaux, la poésie ailée                                                          

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© 2014 Saint-John Perse, le poète aux masques (Sjperse.org / La nouvelle anabase). Site conçu, écrit et réalisé par Loïc Céry.

  

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L'Aigle royal

La Frégate-Aigle

La chouette blanche

La mouette pélagienne

L'aigrette et sa huppe

Quelques oiseaux

de Saint-John Perse

Mais ce perroquet est le symbole inversé de ce qu'est l'oiseau dans l'œuvre de Saint-John Perse en général : agent d'intensité existentielle et sommation adressée à l'homme. Il est par exemple le signe de l' « élection » du Prince dans Amitié du Prince, I, 1er tirade, 3e verset, O.C., p. 65 :

« [...] ô Prince sous l'aigrette, comme la tige en fleurs à la cime de l'herbe [...] »

ou 4e verset :

« ô Prince sous l'aigrette et le signe invisible du songe, ô Prince sous la huppe, comme l'oiseau chantant le signe de sa naissance ».

Notons bien que, suivant le goût prononcé de Saint-John Perse pour la polysémie, le terme même d' « aigrette » joue ici sur un double sens. Hormis l'oiseau, il désigne également la plume qui orne le chapeau du prince. A coup sûr, il serait faux de n'y considérer qu'un seul de ses deux sens possibles : il importe surtout de tenir compte de cette double acception. La désignation de l'oiseau est néanmoins très claire, comme le confirme la mention de la « huppe » à laquelle elle est associée, dans une formule similaire : « prince sous la huppe ». La subtilité lexicale en jeu ici se confirme d'ailleurs quand on sait que le terme de « huppe » désigne également une « touffe de plumes que certains oiseaux ont sur la tête » (selon la définition du Littré). Le poète aura donc cherché à mettre ici face à face deux oiseaux, mais également deux plumes. Le sens animal de l' « aigrette » sera d'ailleurs repris plus loin dans le recueil : c'est cette aigrette qui conduit le voyageur vers le Prince, scène à l'occasion de laquelle on assiste à une sorte de transmutation humaine de l'animal, doté d'un « sourire », dans le chant IV, 1er tirade, 4e verset, OC., p. 71 :

« Et par-dessus la foule des lettrés, l'aigrette d'un sourire me guide jusqu'à lui ».


Dans le chant III, 1er tirade, 1er verset, O.C., p. 69, l'oiseau était encore une fois l'attribut naturel du Prince, l'indice de sa présence : "Je reviendrai chaque saison, avec un oiseau vert et bavard sur le poing". La figure de l'humanisation de l'oiseau, par le langage notamment, sera réutilisée dans Anabase, III, 2e laisse, 1er verset, O.C., p. 96 : « [...] l'oiseau chante : ô vieilesse!... ».


Dans Exil, III (3e laisse, O.C., p. 126) la « mouette » est le symbole de l'éternité de l'errance humaine :

« Toujours il y eut cette clameur, toujours il y eut cette fureur / Et ce très haut ressac au comble de l'accès, toujours, au faîte du désir, la même mouette sur son aile, la même mouette sur son aire, à tire-d'aile ralliant les stances de l'exil ».


Dans le premier chant de Neiges (4e laisse, O.C., p. 157), la douceur de la venue matinale des premières neiges est magnifiquement rendue par cette comparaison de l'aube à une chouette :

« Il neigeait, et voici, nous en dirons merveilles : l'aube muette dans sa plume, comme une grande chouette fabuleuse en proie aux souffles de l'esprit, enflait son corps de dahlia blanc ».


A travers la référence culturelle du troisième chant (6e laisse, O.C., p. 161), on peut clairement décrypter à la fois un symbole du temps et de la lumière, d'intensité vitale :

« Et un oiseau de cendre rose, qui fut de braise tout l'été, illumine soudain les cryptes de l'hiver, comme l'Oiseau du Phase aux Livres d'heures de l'An Mille... ».


Archétype de ce registre symbolique de l'intensité existentielle, il est une image qui aura profondément fécondé les apparitions de l'oiseau dans notre corpus comme dans toute l'œuvre : c'est celle de « l' Innommé » de Cohorte. Dans ce poème de jeunesse (initialement appelé Pour fêter des oiseaux et publié, à en croire les indications de Saint-John Perse, à son insu dans La Nouvelle Revue Française par Gide), celui qui n'est pas encore Saint-John Perse, mais Alexis Saint-Leger Leger, évoque la venue d'une « cohorte » d'oiseaux tropicaux, offrant un spectacle majestueux, apparemment à des « spectateurs » postés aux vérandas de « la maison du Gouverneur » (la scène se rapporte, de toute évidence, au cadre d'enfance de l'Habitation familiale, en Guadeloupe).

C'est là un prétexte à une énumération descriptive très précise de ces oiseaux de mer, où s'esquisse ce goût de la nomination ornithologique conçue comme vecteur de la "vérité" des espèces. Tout le poème semble déboucher sur le moment essentiel, décisif, que constitue la venue de celui qu'on ose à peine nommer justement, celui qui, par sa majesté propre, sa transcendance, échappe à toute nomination :

« Voici, voici qui ne fut point, qui ne sera point nommé, celui pour nous qui toujours fut, et sera "l'Innommé" ! (pour d'autres, la "Frégate-Aigle" ou "Frégate Magnificens") » . (3e tirade, 1e laisse, 2e verset, O.C., p. 687).

Cette venue où l'identification nominale de l'oiseau fait place à l'appellation élogieuse (qui n'est pas nomination, mais marque de dévotion) place d'emblée cet oiseau dans une sorte de supériorité irréductible, qui renvoie, là encore, à une quasi-divinisation ("l'Innommé" pourrait ainsi induire également une entité supérieure que précisément on ne doit pas nommer).

Elle est aussi un surgissement parmi les hommes; elle s'opère dans une atmosphère de grande solennité, où le "public" qui assiste à l'approche de l'oiseau est comme saisi par une stupeur et une admiration générale qui se solde par une marque de la reconnaissance de l'"honneur" qu'a accordé l'oiseau par cette venue (3e tirade, 4e laisse, 6e et 7e verset, p. 688) :

« il s'approche à loisir de la maison du Gouverneur - et tout le monde est aux terrasses [...] et soudain, là! le cri de tous : “Il nous a vu!" ».

Au moins à deux reprises au sein de l'œuvre, les apparitions de l'oiseau reprendront ce motif solennel d'un "surgissement" décisif perçu comme une sommation, une présence qui s'impose. C'est d'abord dans Eloges, VIII (1e laisse, 3e verset, O.C., p. 39), le passage d'un pigeon, porteur de douceur :

« Un oiseau qui suivait, son vol l'emporte par-dessus tête, il évite le mât, il passe, nous montrant ses pattes roses de pigeon, sauvage comme Cambyse et doux comme Assuérus… »


Mais c'est surtout dans Anabase, la clôture du septième chant sur cette 6e laisse laconique (O.C., p. 106) :

« (L'ombre d'un grand oiseau me passe sur la face) ».

D'ailleurs, si cette dernière mention rappelle bien le motif de « l'Innommé » de Cohorte, c'est aussi parce que probablement il s'agit dans les deux cas de la présence d'un « oiseau » (un rapace plus exactement) qui, dans la poésie de Perse, a une importance primordiale : l'aigle. En cela, l'apparition de cette « Frégate-Aigle » de Cohorte est une sorte de préfiguration capitale de ce motif.

On sait l'intérêt qu'eut le poète pour les rites chamaniques, qu'il découvrit notamment lors de ses séjours en Chine et en Amérique et parmi toutes les références qu'il y fait dans ses poèmes, rappelons-nous tout au moins de l'une d'entre elles où le statut rituel de l'aigle est évoqué de façon directe (et où on peut donc voir se déployer un symbole lié aux pouvoirs des chamans) : Chronique, 2e tirade, 8e laisse, O.C., p. 399 :

« ”Jadis des hommes de haut site, la face peinte d'ocre rouge sur leurs mesas d'argile, nous ont dansé sans gestes danse immobile de l'aigle [...] " ».

  

Perroquet peint par John James Audubon, naturaliste américain qu'a beaucoup pratiqué Saint-John Perse

Dans Images à Crusoé, on est frappé par cette image si puissante que constitue tout le poème intitulé "Le Perroquet" (O.C., p. 16), primordial pour la valeur symbolique de l'animal en général. L'image, par son traitement déroutant, a de quoi surprendre et on peut fort bien comprendre que les premiers lecteurs aient pu être marqués par le déploiement d'une telle force évocatrice qui d'ailleurs, détourne quelque peu de ce à quoi on aurait pu s'attendre, à savoir une allusion exotique. Pour mieux analyser ce déploiement, il est indispensable d'envisager le poème dans son intégralité. Le lien métaphorique développé ici avec la propre situation de Crusoé est très clair : claustration dans laquelle se trouve cet oiseau est en fait le reflet de sa propre destinée d'exilé, lui qui vit le drame, de retour à la civilisation, de se sentir banni de son île et ressent durement la perte de la liberté sauvage dont il jouissait dans l'île. Son observation attentive de l'oiseau a donc un sens : « Homme à la lampe! que lui veux-tu?... Tu regardes [...] ». Cette observation est d'ailleurs mutuelle : « Il tourne sa tête pour tourner son regard ». Ce que voit Crusoé, c'est cette misère qui est la sienne propre, à travers l'image de cet animal tropical qui est pour ainsi dire déchu. La destinée misérable de cet oiseau enfermé est si éloignée de ce qu'elle serait dans la vie sauvage qu'il est transformé par sa tragédie; il a définitivement perdu sa propre identité, son éclat vivant d'animalité et n'est plus qu'un signifiant monstrueux de la misère : « C'est un autre ». Médiocrité d'une trajectoire où se lit l'abandon, la négligence : « Un marin bègue l'avait donné à la vieille femme qui l'a vendu ». Tout n'est que dépravation dans ce qui est le décor de sa vie ; il est désormais voué à la saleté et au sinistre : « Il est sur le palier de la lucarne, là où s'emmêle au noir la brume sale du jour couleur de venelles ». Horreur de la saleté, être vivant délaissé, vie annulée : « Tu regardes l'œil rond sous le pollen gâté de la paupière; tu regardes le deuxième cercle comme un anneau de sève morte. Et la plume malade trempe dans l'eau de fiente ». Le poème se clôture sur la puissante charge symbolique par laquelle se fait entendre toute la souffrance du banni, du prisonnier qu'est cet animal et qu'est Crusoé lui-même - et il n'est ici besoin pour Saint-John Perse d'aucune longue plainte, d'aucune lourdeur, simplement ceci : « L'oiseau pousse son cri ».

  

L'oiseau, incitateur d'audace


Au tout premier rang de son bestiaire, l'oiseau représente pour Saint-John Perse un motif tout à fait crucial, tel que l'indique avant tout le nombre de ses occurrences au sein de son oeuvre. Dans le volume des Œuvres complètes de la Pléiade, une indication on ne peut plus claire atteste bien cette prédilection du poète pour l'oiseau. Il s'agit de la note qui se rapporte au recueil Oiseaux et dans laquelle il précise bien :


« Le thème de l'Oiseau semble avoir hanté toute sa vie Saint-John Perse » (O.C., p. 1134).


Tout au long de l'œuvre de Perse, et selon des aspects divers, l'oiseau ne cessera jamais d'être un incitateur d'ardeur, une vigie d'intensité existentielle et un constant appel lancé à l'homme, une exhortation au dépassement perpétuel. Rappelons au moins la première phrase de Oiseaux, I, O.C., p. 409 :


« L'oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du jour un singulier destin ».


Et surtout, la seconde partie de mention, dans Oiseaux, IX, 5e laisse, O.C., p. 419 :


« De tous les animaux qui n'ont cessé d'habiter l'homme comme une arche vivante, l'oiseau, à très longs cris, par son incitation au vol, fut seul à doter l'homme d'une audace nouvelle ».