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COMMENTAIRE DÉTAILLÉ DE Sécheresse

  

Chant pour un équinoxe, vers l'alliance                                                      

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© 2014 Saint-John Perse, le poète aux masques (Sjperse.org / La nouvelle anabase). Site conçu, écrit et réalisé par Loïc Céry.

  

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Le poème parcourt, peut-être en métaphore, mais en tout cas comme figure du réel physique élue au même titre que les "éléments" des poèmes précédents (les pluies, les vents, la mer), cette sécheresse dont on peut aisément reconnaître dans le texte qu’elle est méditerranéenne, et qui est donc considérée comme le vecteur, le creuset du renouveau et de la reconquête de l’être. Au gré des six strophes, c’est bien sûr comme à l’accoutumée chez Perse, la richesse de l’univers visé qui est parcourue et détaillée, d’où un foisonnement du langage qui est lui-même progressivement remis en cause par le déroulement du texte (qui tend au dépouillement). A propos des différents éléments composant ces paysages désertiques qu’évoquent le texte, le recours au commentaire de Saint-John Perse sans masque sera donc indispensable. On se bornera ici à saisir l’enchaînement rhétorique selon lequel le texte tourne autour de ces deux pivots : le renouveau et la reconquête de l’être.



1) La sécheresse, gage de renouveau

 

- Toute la première strophe est consacrée à un parallèle dressé entre l’extrémité de la sécheresse elle-même et le renouvellement des forces vives de l’homme. La terre est restituée à son intensité intrinsèque, par l’avènement de cette sécheresse – comme un recouvrement de son essence en somme : motif même de cette extrémité présentée par le leit motiv de cette première strophe (« Quand la sécheresse sur la terre aura tendu sa peau d’ânesse » / « pris ses assises » / « tendu son arc »). Ces « assises » de la sécheresse (deuxième laisse) correspondent au « temps meilleur aux affrontements de l’homme : temps d’allégresse et d’insolence pour les grandes offensives de l’esprit. » Il s’agit d’emblée d’une opportunité à saisir pour l’homme, un moment favorable où il peut exercer l’intégrité de son action. Ce moment propice est même une « faveur » (troisième laisse) qui apparaît avec cette généralisation de la sécheresse, grâce à laquelle l’homme connaît dans son corps même cette conformation du dépouillement : « La chair ici nous fut plus près de l’os : chair de locuste ou d’exocet ! ». Le dépouillement connu donne accès au dépassement possible : à la quatrième laisse, cet arc tendu de la sécheresse conduit dans le même temps à une tension de l’homme lui-même, le précipitant dans la quête (qui est une lutte : cf. image centrale de cet « Appelé » pris les « armes entre les mains »).


- La troisième strophe (de la deuxième à la quatrième laisse) perpétue et précise le parallèle, en présentant l’avidité de l’action humaine comme conséquence de l’aridité de la terre. Cette équivalence entre avidité et aridité s’incarne dans la figure polysémique de la « brièveté ». Dès la première strophe, la sécheresse est présentée comme une « corde brève », transmettant à l’homme un exemple, un idéal d’ « abréviation » (quatrième laisse), en cette troisième strophe (deuxième laisse), cette brièveté atteint le temps humain en tant que tel, temps limité de l’homme, opposé au temps cosmique (« temps de Dieu » - où encore une fois, il convient de considérer le terme même de « Dieu » dans son acception générique, actualisée ici dans le registre du temps de l’univers) : « Brève la vie, brève la course, et la mort nous rançonne ! » (le thème de la rançon demandée par la mort sera bien sûr repris au terme de « Nocturne »). L’action humaine, dont il est question à la laisse suivante (« Nos actes nous devancent ») doit répondre à cette brièveté qui est une donnée caractéristique de la condition humaine, afin de s’accorder au temps cosmique qui est lui, illimité, et selon lequel la sécheresse elle-même est inscrite dans un cycle naturel, en vertu duquel l’équilibre météorologique sera rétabli par les averses évoquées à la deuxième strophe, le processus débouchant sur le constat qui motive la deuxième strophe (« Les temps vont revenir, qui ramèneront le rythme des saisons ; les nuits vont ramener l’eau vive aux tétines de la terre. ») et qui ouvre la troisième strophe (« Oui, tout cela sera. Oui, les temps reviendront, qui lèvent l’interdit sur la face de la terre ») – le même constat du régime cyclique des vents apparaissait dans Vents, avec le même impératif de l’opportunité à saisir pour l’homme. En cela, c’est une progression vers la complémentarité de son action que poursuit l’homme, avec le temps cosmique : processus entrepris de la troisième à la cinquième strophe : « Ô temps de Dieu, sois-nous comptable » (troisième strophe, deuxième laisse) ; « Ô temps de Dieu, nous seras-tu enfin complice ? » (quatrième laisse) ; « Ô temps de Dieu, sois-nous propice. » (cinquième strophe). En cette prière (ton élégiaque, qui traverse le poème : adresse à ce « temps de Dieu » ou à la divinité « Maïa »), l’homme poursuit une conjonction entre le temps humain et le temps cosmique (ce Chronos qui faisait le motif de Chronique) vers la réalisation de la destinée humaine ; plus que jamais, s’éclaire donc la notion de l’opportunité que représente ce moment de la sécheresse : si l’avide résulte de l’aride, c’est uniquement à la faveur d’une harmonisation du temps humain avec l’intemporalité et les cycles naturels, sous le motif de la brièveté, à la fois réalité et idéal (car quoi qu’il en soit, au milieu du poème, « le temps siffle au ras du sol… »). Cet idéal de la brièveté va encore s’étendre à l’âme humaine en elle-même, qui devra répondre à ce modèle de la concision : « ah ! tout ce feu d’une âme sans arôme qui porte l’homme à son plus vif : au plus lucide, au plus bref de lui-même ! ». L’homme porté « au plus vif de lui-même », son âme devant ainsi atteindre l’exigence d’une intensité primordiale – et cette « brièveté de l’âme » sera en cela incarnée dans le poème, par exemple par le motif de la soif : ici « Nulle oraison sur terre n’égale notre soif ; nulle affluence en nous n’étanche la source du désir. La sécheresse nous incite et la soif nous aiguise. » et plus loin, à la quatrième strophe, « maigreur et soif et faveur d’être. » Après le temps, l’âme, la brièveté comme gage d’une symbiose entre l’avide et l’aride, s’étendra encore, in fine, aux « œuvres », qu’il faut entendre par œuvre poétiques en tant que telles : « Et devant nous lèvent d’elles-mêmes nos œuvres à venir, plus incisives et brèves, et comme corrosives. » Cet appel final à des œuvres « brèves » fait en effet suite à une véritable crise de l’expression (troisième strophe, cinquième laisse) au cours de laquelle les mots semblent s’affranchir du langage : « Et les mots au langage refusent leur tribut : mots sans office et sans alliance, et qui dévorent, à même, la feuille vaste du langage comme feuille verte de mûrier, avec une voracité d’insectes, de chenilles… » La brièveté permet alors au langage également d’atteindre l’avide et le renouveau, au prix d’un dépassement des frontières conventionnelles (c’est en quelque façon, l’exacerbation de cette revivification de l’arbre du langage que présentait Vents).



2) La reconquête de l’être


- A la faveur du rythme cyclique qui fonde la deuxième strophe (où les pluies reviennent : voir toute la description de ce retour de l’humide, qui prend place dans le cycle naturel, en tant que vie ressourcée, mais qui peut pour l’homme représenter le risque de la douceur), la sécheresse est effectivement choisie comme mode d’une « renaissance à l’Etre », par un afflux de la force vitale (« mouvement vers l’Etre »)


- Il s’agit, en fin de compte, du tribut de cette sécheresse : « Quand la sécheresse sur la terre aura desserré son étreinte, nous retiendrons de ses méfaits les dons les plus précieux : maigreur et soif et faveur d’être. » Cette « faveur d’être » s’avère d’une certaine manière une déclinaison nouvelle de cette variation indiquée au chant V de Chronique : « cette immensité de l’être et ce foisonnement de l’être, toute cette passion d’être et tout ce pouvoir d’être ». Il s’agit donc de cette instance qui résulte d’un afflux de l’être, une reconquête acquise par l’homme qui aura su bénéficier de l’opportunité de cette sécheresse rédemptrice.


- Cette reconquête permet à l’homme de dépasser (dans l’immanence d’une exacerbation de l’énergie vitale, et non dans une transcendance extérieure) y compris la finitude elle-même : ayant accompli la symbiose du temps humain avec le temps cosmique, il peut désormais échapper non à la mort corporelle en elle-même, mais au terme qu’elle représente – est c’est tout le sens de cette essentielle troisième laisse de la quatrième strophe : « Et Midi l’Aboyeur cherche ses morts dans les tranchées comblées d’insectes migrateurs. Mais nos routes sont ailleurs, nos heures démentielles, et, rongés de lucidité, ivres d’intempérie, voici, nous avançons un soir en terre de Dieu comme un peuple d’affamés qui a dévoré ses semences… ». C’est aussi (mais attention à la très grande polysémie de cette image finale elle-même si cryptée) à cette possibilité d’un dépassement de la finitude que, comme par renversement, la formule finale met un terme, comme une outrance (l’une de ces « ruses ») propres à un rival mimétique de Dieu. Mais au sujet de l’origine probable de la mention (certainement Nietzsche dans Le Voyageur et son ombre) et de sa portée, on se référera aux éclairages de la bibliographie critique.